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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 21:33

De la conversion à la vie religieuse, quelques lettres à sa famille

 

Début 1889, on peut se poser la question : que savait exactement Marie de Bondy des projets de Charles de Foucauld ? Et tante Inès Moitessier ? Certes, il est impossible de penser que les uns ou les autres aient pu rester dans l’ignorance d’une transformation difficile à cacher ; mais à quel niveau situer cette connaissance ? Il faut se garder d’une extrapolation trop hâtive qui serait contredite par les documents épistolaires, suffisants pour se faire une opinion : Charles de Foucauld est resté jusqu’au bout un homme secret, d’une grande pudeur dans tout ce qui concernait son cheminement spirituel. Il n’est pas moins certain que ce cheminement a été connu, et probablement soutenu dès 1888 par Marie de Bondy, avec laquelle Charles a établi une véritable intimité spirituelle telle que nous la découvrons dans la première des lettres en dépôt à la Postulation. Cette lettre est datée du 16 septembre 1889 ; Charles revient d’un séjour dans le Berry chez les Bondy :

« Que vous dirai-je, ma chère cousine, j’ai tant de choses à vous dire que je ne sais par où commencer. Je commencerai par ce qui me touche le plus en ce moment, par ce qui me remplit davantage. En lisant votre lettre, ce matin, Monsieur l’Abbé (1) m’a dit que vous étiez triste ; comme je voudrais pouvoir vous écrire une lettre bien affectueuse, non pas pour diminuer tant soit peu votre tristesse, j’en suis par trop incapable, mais au moins pour vous montrer un peu de sympathie et pour vous faire voir que, quels que soient vos ennuis, j’en souffre et je voudrais en souffrir infiniment plus. En vous disant cela, j’espère ne pas être indiscret, ma chère cousine, Notre-Seigneur nous permet de souffrir de ses peines, vous ne me défendrez pas ce qu’il nous permet, moi qui, tout indigne que je suis, vous suis dévoué avec un si grand respect. Et j’y ai bien quelque droit, à souffrir de votre tristesse, car les Berrichons n’avaient pas tort et ils m’ont fait plus de plaisir qu’ils ne pensaient en me disant votre enfant. Ne le suis-je pas, moi pour qui vous avez été constamment si bonne depuis vingt ans : il y a vingt ans maintenant que vous m’écriviez et que je vous écris : avez-vous jamais cessé d’être bonne pour moi, et pourtant quelles raisons vous aviez de me laisser de côté !

« Quand à Saumur je me suis fait arrêter à Tours par des gendarmes, ma tante m’a fait du mal avec de bonnes intentions, mais vous, vous m’avez écrit une lettre qui m’a fait du bien, qui m’a ému à un âge où j’étais difficile à émouvoir et a contribué plus qu’autre chose à me faire revenir à ma tante. En revenant du Maroc je ne valais pas mieux que quelques années avant et mon premier séjour à Alger n’avait été plein que de mal, vous avez été si bienveillante au Tuquet que je me suis repris à voir et à respecter le bien oublié depuis dix ans. Aussi l’année qui a suivi a-t-elle été une année moins mauvaise un peu que les précédentes, mais pourtant l’automne suivant j’avais besoin d’être sauvé de ce mariage et vous m’avez sauvé (2). Et depuis quel bien ai-je reçu que je n’aie reçu de vous ? Qui m’a ramené au bon Dieu ? Qui m’a donné à Monsieur l’Abbé ? Le premier livre religieux que j’ai relu, vous me l’aviez donné, c’est vous qui m’avez conduit à la Trappe ; vous m’avez fait connaître par son image sur votre table le Cœur de Notre-Seigneur.

« (…) Monsieur l’Abbé m’a dit (...) d’aller à Notre-Dame des Neiges passer dix jours et de revenir à Paris. À Notre-Dame des Neiges j’aurai deux choses à faire : me rendre compte complètement de la vie de la Trappe et prendre les plus complètes informations sur Alexandrette (3). Monsieur l’Abbé reste effrayé du petit nombre de religieux d’Alexandrette, mais n’y renonce pas encore cependant. Je serai donc à Paris vers le 17 octobre, au-delà tout reste dans le vague le plus absolu. Je renonce, ma chère cousine, à vous remercier. »

 

(à suivre)

 

Michel de Suremain

(1) Il s'agit de l'abbé Henri Huvelin, vicaire à Saint-Augustin (Paris) et père spirituel de Charles depuis la conversion de ce dernier en octobre 1886.

(2) Charles de Foucauld évoque encore ici ses fiançailles avec Mademoiselle Marie-Marguerite Titre, à Alger, en mai 1885, rompu dans l'été sous la pression de sa famille. Il reste encore à expliquer pourquoi, humainement, il fallait que sa famille « sauve » Charles de ce projet de mariage. Les quelques informations disponibles en font une affaire de conventions sociales (et l'on sait comme elles comptaient dans la bourgeoisie de la fin du XIXe siècle) et de dot (idem - la jeune fille, convertie du protestantisme au catholicisme, avait été de ce fait déshéritée par sa famille protestante). Il semble que Charles, étant donné les mesures judiciaires précédentes prises  à son égard par sa famille à cause de ses années de désordre, n'était pas en mesure de résister à la pression familiale contre son projet, et que cet épisode soit - même si cela n'est pas avoué - la cause de sa maladie de l'été 1885. LT

(3) Fondation en Syrie (aujourd'hui en Turquie) de l'abbaye de Notre-Dame des Neiges, dans laquelle Charles de Foucauld a tout de suite envisagé d'être envoyé après son entrée à la Trappe, pour y vivre une vie plus pauvre et cachée.

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