Le commandant Lehuraux et la Messe de Charles de Foucauld
« La chapelle était d’une exiguïté inimaginable. Trois ou quatre personnes au plus pouvaient s’y tenir debout. Tout, d’ailleurs, dans cet oratoire, était à une échelle lilliputienne : l’autel, simple table en bois blanc façonnée avec des planches provenant de caisses à vivres ; le calice ; les tableaux du chemin de croix finement dessinés par le Père lui-même. Seul un Christ, également dessiné par l’ermite sur une toile blanche, avait des proportions presque normales. Et au-dessus de l’autel ce Christ, dont la tête inclinait douloureusement, frappait et troublait les chrétiens de passage à Tamanrasset qui venaient se recueillir devant cette image du Sauveur, dans ce décor de la primitive Église.
« Car, sauf quelques rares exceptions, tout Français saharien, que les hasards des reconnaissances amenaient dans ce centre, se faisait un devoir d’assister à la messe du Père de Foucauld, quelles que fussent ses convictions religieuses. Je n’ai pas besoin de consulter mes notes pour me remémorer l’émotion indicible qui s’emparait de tous, croyants, indifférents ou sceptiques, en présence de ce prêtre revêtu de l’aube toute blanche, d’un manipule en linon, d’une chasuble en soie ayant pour toute broderie un cœur couronné d’épines, et qui réveillait en nous les souvenirs de notre jeunesse, de la petite église de notre village de France. C’est à peine si l’on remarquait le singulier enfant de chœurs Paul-Embarek qui portait sur sa gandoura de toile un collier fait d’objets les plus hétéroclites : boutons d’uniforme en cuivre, verroteries multicolores et surtout une collection de petits sachets en cuir et en métal qui renfermaient des versets du Coran ainsi que d’incompréhensibles incantations d’un sorcier du pays destinées à éloigner les mauvais génies (1).
« Nous étions comme hypnotisés par l’officiant psalmodiant dans un murmure la cérémonie liturgique et qui, au moment du Confiteor, prononçait le mea culpa en se frappant violemment la poitrine. Il émanait vraiment de cet homme de Dieu une puissance d’évocation, une lumière surnaturelle qui irradiait la foi profonde de son âme et étreignait les assistants longtemps après avoir quitté le saint lieu. »
C’est ainsi que le Commandant Léon Lehuraux (1885-1956), officier méhariste, écrivain et ethnologue, raconte ses impressions face à la chapelle et à la Messe de Charles de Foucauld à Tamanrasset, dans son livre de 1944 : " Au Sahara avec le Père Charles de Foucauld ", éditions Baconnier, Alger. (On trouve ce passage pages 80 et 81 de l'édition de 1946 par les éditions Saint-Paul à Paris)
(1) NDLR : catéchumène, Paul Embarek n’a finalement jamais été baptisé par le Père de Foucauld.
Rappel : consulter l'appel lancé par le Postulateur, au 22 mai dans ces pages. Les besoins financiers de la Cause sont encore de 4 700 € pour cette année. Merci de votre don.